L’étymologie, ou le sens des mots.


Aujourd’hui, point de liens vidéos ou de photos colorées mais juste une image tentant de représenter la profondeur d’un des mot dont il sera question ci dessous.

J’ai des pensées qui me turlupinent depuis quelques temps sur l’étymologie des mots et leurs implications sur la compréhension de ma pratique. Dans le passé, et plus particulièrement dans les sociétés traditionnelles, les connaissances se transmettaient oralement. La transmission orale, c’est l’enseignement à tous les degrés. Elle englobe aussi bien la morale, la philosophie, les mathématiques, la géométrie, l’histoire, la généalogie, les coutumes et tout ce qui s’appelle connaissances humaines au point de vue culturel. L’apparition des systèmes d’écritures à permis de sauvegarder tout ce savoir culturel pour la prospérité. Malheureusement avec la fragilité qu’il comporte, il n’y a qu’à voir le cas de la bibliothèque d’Alexandrie. Mais chose importe, les systèmes d’écritures fixent les représentations du monde qu’elles induisent. Chacune de ces écritures se définit également par des rapports particuliers avec la dimension orale de la langue, avec la parole.  Les enseignements passent par l’initiation, l’apprentissage, le perfectionnement, la répétition avant d’atteindre la maîtrise.

Jirokunietsu, le forgeron

La plus grande difficulté pour un passionné, pratiquant des techniques de combats sino-japonais, c’est la difficulté de trouver un enseignant, expert, guide ou mieux, un maître. Depuis l’avènement de l’internet, la liberté et surtout l’accès aux ressources « écrites » à été grandement facilité. C’est une aubaine, car il y a à peine quelques décennies ses ressources étaient rares et pauvres en contenus. C’est justement dans toutes cette « connaissance » disponible que réside un grand problème…..de compréhension.

La rencontre avec l’écriture chinoise fut malencontreuse pour la langue japonaise qui n’appartenait même pas à la famille des langues sino-tibétaines, mais les Japonais n’avaient pratiquement aucun choix, à cause de l’inexistence d’autres civilisations qui possédaient un système d’écriture dans le voisinage. Les caractères chinois sont un système qui convient seulement à la langue chinoise. La preuve éventuelle est que d’autres nations, coréennes ou vietnamiennes, ont rejeté ces idéogrammes à la longue pour adopter les lettres analytiques.
En japonais, il y a deux sortes de prononciations des caractères chinois: on’yomi et kun’yomi. La première est la prononciation théoriquement fidèle à celle chinoise au Moyen Age (vers le huitième siècle), et la deuxième la traduction de l’idéogramme en langue japonaise. On observe que l’élément yomi veut dire la lecture, non pas la prononciation, d’où on peut peut-être conclure que les caractères chinois restent quelque chose à déchiffrer, qui est toujours étranger à la langue japonaise.

Un des problèmes majeurs de l’écriture de la langue japonaise est que ce kun’yomi, la traduction de l’idéogramme, brouille les yeux à l’origine des mots. Le mot japonais pour « vivre » est 生きる ikiru (le titre du film de Kurosawa), qui a la même origine que le souffle iki. Si on écrit ces mots en lettres latines, on n’a pas de difficulté à le reconnaître, mais ce n’est pas le cas pour les Japonais ordinaires, qui apprennent les mots avec idéogrammes.
Difficulté de traduction et erreurs d’interprétation.
« Il est vrai que ce n’est pas chose facile car l’étymologie chinoise ou occidentale n’explique pas tout et les noms, eux mêmes, vivent leur propre évolution au sein du langage courant, donc de la langue vivante. »

Quand on regarde le cas du Japon avec ses kanji, dérivé des idéogrammes chinois (puisque kanji signifie « écriture chinoise »), qui représentent plus des idées qu’une traduction littérale du composant. On s’aperçoit alors qu’il peut y avoir des divergences de signification selon le contexte ou il est ou à été utilisé.
Avant la Seconde Guerre mondiale, les kanji utilisés en japonais n’avaient jamais été standardisés. Il fallait connaître un minimum de 4000 de ces caractères pour comprendre un quelconque journal ou magazine. Durant l’occupation du Japon, le ministère japonais de l’Éducation s’attela à la lourde tâche de simplifier la langue écrite. Le but était de réduire l’usage des caractères chinois à un strict minimum, mais en nombre suffisant pour pouvoir lire et écrire des textes normaux dans la vie pratique. Le principe retenu fut de miser sur la fréquence d’utilisation des kanji pour ne choisir que les plus fréquents. Les résultats de ses travaux ont abouti en 1992 à une liste de 1006 caractères qui demeure toujours en vigueur dans les écoles.
Le seul problème provient des difficultés qu’occasionne le système d’écriture en kanji. De fait, les kanji constituent une barrière certaine dans la transmission des connaissances, surtout avec l’informatisation et l’expansion d’Internet. Il arrive trop fréquemment que les diverses traductions du chinois ou du japonais, si ce n’est des idéogrammes chinois, traduit en japonais, soient traduit d’abord en anglais avant de l’être en français.
Car quand on voit que les anglo-américains ont traduit, désigné initialement les techniques de combat chinois par boxes. Et « qu’on leur doit également la dénomination, qui a depuis fait fortune en France sous le vocable fourre-tout d’Arts Martiaux, de « Martial Arts », en référence à la divinité romaine de la guerre, ce qui est la traduction très approximative du chinois Wu ou du japonais Bu qui désignait l’origine « ce qui est capable de faire la violence » (2) On peut alors se poser , des sérieuses questions quant aux résultats des traductions en français !

« On rentre dans le verbe, dans la langue, en l’occurrence la langue française : 99,9% des pratiquants de ce monde confondent le mot « tendu » avec le mot raidir ou contracter. Quand vous êtes debout, vous avez la jambe tendu, quand vous dite bonjour vous avez le bras tendu, mais à aucun moment vous n’êtes raide ni contracté ; or le fait de raidir votre bras en donnant un coup de poing, le fait de raidir, de contracter votre jambe alors que vous êtes seulement en position, même pas en action, ça fait de vous un handicapé physique. (1) »

Je ne peux m’empêcher de penser au Bujutsu 武術, traduit par techniques guerrières, qui décomposé selon les 2 kanji peut s’interpréter différemment.
Bu, Mu: c’est chose militaire, bravoure. (remarquez, que arrêter la lance nécessite bien les deux!)
Jutsu 術: c’est le corps qui acquiert des facultés, des techniques ou bien, la technique qui épouse le corps, se mélange.
Quand à Uke 受, traduit par blocage, il sous entend «absorber»…et que Tsuki 突, traduit couramment par « coup de poing », sous entend pousser avec l’idée de jaillir soudainement avec tout son corps.

Selon Tamura senseï, Keiko 稽古 qui est traduit par « exercice », « entraînement » avec tout le sens que ça sous entend, signifie pour les japonais l’idée de fortifier, discipliner, chauffer, laisser refroidir, puis frapper, changer la forme, donner une forme.

Keiko contient globalement Rensyu – Tanren ou Renma.
Ren de Rensyu veut dire « pétrir », Syu veut dire « apprendre ». Donc apprendre en pétrissant. Plutôt qu’exercice, c’est donc répétition- répétition- répétition…
Tan de Tanren 鍛錬, pour forgeron, le fabricant de katana, c’est marteler le fer et aussi le tremper. Ren, je vous le rappelle signifie « pétrir »
Renma nous donne Ren pour « pétrir » et Ma pour « polir ». Comme avec le diamant ou avec la lime. D’abord la gangue, puis le diament et enfin le polissage dans ce sens. Ajoutez encore à Tanren ou Renma cette notion qui nous pousse à faire 100 fois ce qu’une personne fait 10 fois, 1000 fois ce qui est fait 100…..alors l’ensemble de ce travail est le Keiko.

Alors toute la perception, l’interprétation et l’exécution que nous avons de la technique change.

Divers sources:

Vocables nippon (un blog très intéressant!) http://fukuihisashi3.blogspot.com/2008/08/iki-souffle.html
La transmission du geste; http://www.orleans-tours.iufm.fr/ressources/ucfr/eps/journee_eps/contributions/Clot.htm
La politique luinguistique japonaise; http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/asie/japon-4pol-lng.htm
Les difficultés de traduction des Mangas; http://zonebabel.neuf.fr/lng/nihongo/ressources/le-japonais-en-manga-lecon3.pdf
Aïki autrement; http://www.aikiautrement.net/
Tamura sensei; http://www.shobukan.be/userfiles/File/A%20lire/ArticleTamurama%C3%AEtre.doc

(1) Extrait de l’interview de Michel Morelon « KHIDO, la voie de l’harmonie avec la nature » Art et Combat/Dragon »
(2) Extrait du « Rituel du dragon » de Georges Charles

Un bel exemple dans la transmission orale dans la danse africaine; http://www.danse-africaine.net/document_texte/memoire_danse_2.php

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s