Les images d’une des épreuves des jeux para olympiques sont restés dans ma mémoire. Il s’agissait de la course en duo des non-voyants.
Je me rappel d’avoir été interpellé car je ne voyais pas, comment un non-voyant pouvait courir, et encore moins se taper un sprint! Quand on se retrouve dans le noir complet privé de la vue, on tâtonne, un peu gauche cherchant des obstacles avec ses mains tendues devant soi.
Il y a quelques années encore, les aveugles couraient sur 100 mètres seuls, un par un, uniquement orientés par la voix de leur guide en bord de piste. Dorénavant, l’athlète court main dans la main avec un valide à côté de lui. Plusieurs écoles existent. Les Français, par exemple, sont reliés par une corde tenue à hauteur du poignet. Le tout est de former en quelque sorte un alliage inséparable pour que chacun dans son couloir progresse à la même vitesse. C’est un duo. Mais ce n’est que la face visible de l’iceberg.
Sur le coup, sans trop y réfléchir, je me suis juste dit « balèze! » et j’ai changé de chaîne.
Un des avantages des coureurs solitaires (c’est marrant, ça sonne mieux et surtout pas pareil qu’un joggeur?!) c’est qu’ils arrivent « à refaire le monde » pendant leurs sorties.
Les réflexions viennent, s’en aillent, se développent…
Une fois pendant que je courais, j’ai repensé à ses athlètes et j’ai fermé les yeux….rien que pour voir.
Ceux qui n’ont pas essayé, n’arriverons pas à saisir l’appréhension qui nous submerge d’un seul coup. Le pas se ralentis pendant que la peur s’installe. Et on se met à zigzaguer, à tituber comme un ivrogne.
J’ai réitéré cet exercice à chaque sortie et je m’amuse à le faire plusieurs fois d’affilée.
Vous allez sûrement me demander, pour quelle raison, je qualifie cette « expérience » comme un exercice. La réponse en est simple; ou delà d’un parfait test de proprioception, c’est la recherche d’une totale décontraction qui est recherché.
Il faut se décontracter totalement, contrôler chacun de ses pas, maîtriser sa foulé. Penser à garder la rectitude spinale, l’alignement parfait de chacune des deux chaînes, tout en lançant ses pas loin devant soi.
Mais cela ne suffit pas pour avancer.
Il faut vaincre sa peur bleue de se casser la figure, de heurter quelque chose, de se faire mal. Lutter contre ses sensations qui se mêlent, se mélangent, cherchant désespérément des appuis au sol. Il faut se lâcher. Maîtriser son souffle en contrôlant sa respiration. Reprendre peu à peu la maîtrise de son schéma corporel.
On en rit souvent, de ces tentatives, de sa gaucherie. Et on apprécie cette excitation après avoir parcouru une certaine distance. La mienne, je la mésure à la manière d’un métronome, en comptant les secondes et non le nombre des pas.
Essayez, et vous m’en direz des nouvelles!
Tournoi international de judo pour les non voyants
Triple saut handisport (aveugles) aus Jeux paralympiques
PS
16 mai; un petit retour sur « l’expérience ».
Le souffle s’est calmé, et j’arrive à parcourir entre 120 à 150 pas les yeux fermés. La structure est beaucoup plus stable, point d’anxiété ni de souffle court.